La tour de Mornans : la mémoire y résiste au temps qui passe
Perchée à 640m d’altitude, la Tour de Mornans domine tout le pays de Bourdeaux, dont elle constitue l’un des repères majeurs. Avec sa première enceinte rapprochée elle a été élevée à l’extrême fin du XIIIème siècle. Elle appartient à la dernière génération des donjons médiévaux. Sa forme cylindrique, rare dans la région constituait un réel progrès par rapport aux donjons romans carrés ou rectangulaires. Elle émerge de l’imposant ensemble originel maintenant effondrer, mais témoigne de l’obstination de ce vieux pays protestant à survivre et à s’adapter aux temps nouveaux.
Ce fier vestige apparaît ici comme le contrepoint d’une lumineuse qualité de vie, elle aussi fruit d’un patient labeur. L’économie locale souffre évidemment de l’exode rural. Elle reste essentiellement agricole, avec six exploitations individuelles (contre dix en 1988), mais a su se doubler d’activités annexes bien vivantes. L’élevage caprin demeure la base avec sa retombée sur les laiteries et les fromageries (Jullian, de Banon etc.). Mais l’agritourisme a connu ici des précurseurs : le relais équestre du Temple, l’aire naturelle de camping de Joël Bertrand, les chambres d’hôtes plus récentes comme les Sans Soucis se veulent au top du service attendu par les citadins en quête de calme et de ressourcement.
Le « relais du Temple » face à la tour sur l’autre versant, est une illustration de la pugnacité des « gens de Mornans ». Hugues et Dominique Anthénol y ont pris en 1993 la succession de Robert et Irène qui, pour élever leurs sept enfants avaient pris l’initiative de créer ce premier gîte rural de la Drôme au début des années 60. Après avoir installé trois chambres d’hôtes dans la maison de la grand-mère et provisoirement un gîte d’étape de 18 places dans l’ancien temple, ils ont peu à peu aménagé en 1975 leurs annexes et trois chalets, en relais équestre affilié depuis l’origine à la Drôme à cheval. On héberge donc aussi les chevaux des randonneurs auprès de ceux que Hugues propose en location aux estivants. Les escaladeurs de Saou, les randonneurs qui suivent le GR9 et les parapentistes de Couspeau, peuvent côtoyer au relais du Temple les cavaliers tout en profitant de la table d’hôte et des souvenirs d’Irène…Mais il faut toujours être à la pointe et Hugues vient de creuser la piscine.
Une histoire qui se fait contes et légendes
Les premiers témoignages d’habitat connus ici remontent à l’époque gallo-romaine, mais comme toute la vallée moyenne du Roubion, le terroir de Mornans a dû être occupé dès l’époque des premiers agriculteurs du Néolithique.
La terre de Mornans appartenait à l’origine au patrimoine des comtes de Diois. A travers les siècles, elle passera de famille en famille au gré des héritages et des acquisitions : des Galon et des Mornans aux Clermont, seigneur de Montoison, puis à la famille Blain issue du Poët-Célard. Celle-ci embrassera la religion réformée et y ralliera Mornans et le Poët. Raymond Blain aurait même reçu Calvin dans son château de Saint-André en 1561.
Puis la lignée des Blain passe par mariage aux Marcel, originaires de Marsanne. Anoblis par le dauphin Louis, ces Marcel s’étaient distingués comme capitaines. Leurs descendants n’y dérogèrent pas. Ainsi Louis Marcel de Blain, conseiller d’état et chambellan d’Henri IV figure, sous le nom de du Poët, parmi les plus célèbres capitaines protestants au cours des guerres de religion. Il fut tué à Crest le 9 avril 1598 par Latour Gouvernet, autre capitaine protestant, dans un duel célèbre qui défraya la chronique. Les Blain-Marcel conservèrent leur fief jusqu’à la Révolution.
Fil rouge et sanglant, l’esprit de résistance et les persécutions religieuses ont marqué la mémoire de ce petit village. De ces périodes troublées, il ne pouvait que naître des légendes. Celle d’Alberte de Poitiers, amoureuse d’Alfrédis, preux chevalier de la famille de Mornans, est encore célébrée en costume d’époque chaque année, le 15 août, à Bourdeaux. Le malheureux Alfrédis fut tué par Hérald de Bezaudun le jour de ses noces avec la belle. Le Pasteur Muston au XIX ème siècle en fit quelques couplets toujours appréciés.
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