Les Jeux Olympiques de Grenoble en 1968

À l’heure où Paris vient d’être désignée ville hôte des Jeux de 2024, la capitale des Alpes s’apprête, elle, à célébrer le cinquantenaire de ses Olympiades d’hiver.

« Je proclame l’ouverture des Xes Jeux olympiques d’hiver de Grenoble ». C’était le 6 février 1968, à 15 h 39 précisément. Depuis la tribune officielle de l’immense enceinte du Stade olympique retentit la voix si reconnaissable du général de Gaulle. Tonnerre d’applaudissements. Ça y est ! Quarante-quatre ans après leur naissance à Chamonix, les Jeux d’hiver sont officiellement de retour en France.

Juste avant le chef de l’État, les 60.000 spectateurs ont entendu la brève allocution du Dr Albert Michallon, rappelant combien « Grenoble et le Dauphiné » étaient honorés d’accueillir cette grande fête du sport. Le Dr Michallon est le président du Comité d’organisation et l’ancien maire de la ville (de 1959 à 1965), précise Léon Zitrone, qui commente en direct la cérémonie à la télévision. Une cérémonie retransmise dans le monde entier et en couleur (en technicolor, selon le terme exact), véritable prouesse technique pour l’époque.

Puis apparaît le dernier porteur de la flamme. Flambeau au poing, Alain Calmat, 28 ans, champion du monde et vice-champion olympique de patinage artistique, gravit les 96 marches de l’impressionnant escalier menant à la vasque dominant le stade. L’ascension est scandée par les battements de son cœur, captés et amplifiés par des haut-parleurs. L’émotion saisit les spectateurs. La flamme s’embrase. C’est parti ! Pendant douze jours, près de 1.200 athlètes venus de 37 pays vont s’affronter dans trente-cinq épreuves officielles.

 

Grenoble fait sa mue

Depuis sa désignation par le CIO, quatre ans plus tôt, la capitale des Alpes n’a pas ménagé sa peine pour être prête le jour J. En ces Trente Glorieuses triomphantes, la ville, hier encore provinciale, se métamorphose en une cité moderne et dynamique, en forte croissance démographique (de 100.000 à 160.000 habitants entre 1945 et 1968 !). La réception d’un événement sportif planétaire accélère la construction ou la modernisation de nombreux bâtiments – gare, hôpital, Maison de la Culture, Hôtel de Police… Pour les Jeux proprement dits, sortent de terre le spectaculaire Stade de Glace (aujourd’hui Palais des Sports) et l’anneau de vitesse, situés dans le parc Paul Mistral. Le premier accueille le hockey et le patinage artistique, le second le patinage de vitesse. Au sud, la ville s’urbanise avec l’édification du vaste Village Olympique, où résident les délégations, et du Centre de Presse (futur quartier Malherbe). Tous deux seront reconvertis en zone d’habitations. À proximité, le Stade olympique est le seul équipement provisoire : il sera démonté dès la fin des Jeux. Toute cette zone foncière a été aménagée en grande partie sur les terrains de l’ancien aérodrome Jean-Mermoz, déclassé. Lui succède en janvier 1968 l’aéroport flambant neuf de Grenoble, situé à… St-Etienne-de-St-Geoirs, à 50 km !

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Massifs olympiques

Outre Grenoble, les sites des compétitions sont répartis dans les massifs environnants. Les épreuves de ski alpin se disputent sur les pistes de Chamrousse, en Belledonne, berceau du ski national (Henri Duhamel, fondateur du CAF, fit les premiers essais de ski à Chamrousse en 1878). Le Vercors, lui, est triplement à la fête. Autrans accueille le ski nordique, le biathlon et le combiné nordique (sur un tremplin de 70 m de long). La piste de luge est aménagée à Villard-de-Lans. Enfin, l’impressionnant tremplin de saut à ski de 90 m domine les falaises du Vercors à St-Nizier-du-Moucherotte, donnant l’impression, sur les photographies et films d’époque, que les skieurs planent littéralement au-dessus de Grenoble. Quant à l’Oisans, plus éloigné, il se console avec les épreuves de bobsleigh à L’Alpe-d’Huez.

 

Le ski tricolore au sommet du monde

Sportivement, la délégation tricolore se montre à la hauteur de l’investissement et des attentes. Avec 9 médailles, dont 4 d’or, la France monte sur la 3e marche du podium des nations. Un succès dû en grande partie au triplé historique de Jean-Claude Killy (vainqueur en descente, géant et slalom), véritable héros de cette quinzaine du blanc. L’accompagnent Marielle Goitschel (or en slalom), Isabelle Mir et Guy Périllat (tous deux en argent en descente) et Annie Famose (argent en slalom géant et bronze en slalom). Une seule médaille ne sera pas pourvue par le ski alpin : le bronze du patineur artistique Patrick Péra. Le public français vibre aux exploits de ses champions. Dans les gradins, petits et grands agitent avec fierté Schuss. Schuss ? C’est le nom de la première mascotte de l’histoire olympique, été et hiver confondus !

 

Combien ça coûte ?

Dressant le bilan des Jeux dans son édition de 1969, l’Almanach Dauphinois indiquait les premiers chiffres fournis par le Comité d’organisation : « Recettes : 119 millions de francs, dont la plus grande partie constituée par une subvention de l’État (86 millions de francs) suivie de la publicité (17 millions de francs dont plus de 12 millions versés par les télévisions désireuses de retransmettre les épreuves) ». Le solde provenant essentiellement de la billetterie, avec 345.000 spectateurs payants. Quant aux dépenses, elles s’élèvent à 117 millions de francs. En 1968, la subvention de l’État équivalait à 13 millions d’euros. Qu’en sera-t-il pour Paris ?

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