Une batterie-fanfare désigne une formation musicale composée exclusivement de cuivres et de percussions. Les cuivres utilisés sont des instruments dits naturels ou d’ordonnance, c’est-à-dire dépourvus de pistons ou de coulisses : clairons, clairons basses, trompettes de cavalerie, trompettes basses, cors de chasse. Quant aux percussions, il s’agit principalement de tambours, grosses caisses ou timbales. Si on les confond parfois, la batterie-fanfare se distingue de la fanfare : celle-ci intègre une plus grande variété instrumentale, comprenant des cuivres plus élaborés (saxophone, tuba, trombone, trompette d’harmonie à piston…) et des bois (clarinettes, flûtes…).
Fanfares et batteries-fanfares partagent néanmoins une filiation commune. Toutes deux sont des héritières de la musique militaire, quand les régiments marchaient, défilaient, chargeaient et se transmettaient les ordres au son du clairon ou du tambour. À partir de la première moitié du XIXe siècle, cette musique quitte peu à peu les casernes pour descendre dans la rue. De nombreuses sociétés musicales civiles apparaissent. Leurs origines sont diverses : municipalités, paroisses, sapeurs-pompiers, sociétés de gymnastique et jusqu’aux entreprises. À Bourgoin par exemple, voit le jour en 1883 la Fanfare des ateliers Diederichs, dirigée par Charles Diederichs, directeur de l’usine et compositeur à ses heures.
Filles de l’armée, fanfares et batteries-fanfares, souvent dénommées cliques, en adoptent les codes : l’uniforme, les bannières et le répertoire, pour l’essentiel des marches militaires, et un recrutement exclusivement masculin – les femmes seront admises dans les années 1950 seulement ! Autre héritage militaire : la discipline. Les règlements de ces premières cliques sont souvent pointilleux, à l’image de celui adopté par l’Écho du Saint-Eynard, fondé à Corenc en 1869 : « La Société n’admet en son sein que des personnes probes et honnêtes /…/ La Société est tenue d’assister à l’enterrement de ses membres » ! Leur vocation est aussi pédagogique : grâce à elles, à la ville comme à la campagne, les classes « laborieuses » peuvent s’initier gratuitement à un instrument. Fanfares et batteries-fanfares ont, de fait, grandement favorisé la démocratisation de la musique dans les couches populaires.
Composées d’amateurs, souvent formés et encadrés par des vétérans ou des conscrits de retour à la vie civile, ces sociétés connaissent un formidable succès. Mues par un esprit de groupe, elles défilent lors des célébrations officielles, cavalcades, vogues et donnent des concerts dans les kiosques à musique qui fleurissent un peu partout dans le paysage urbain – depuis 1848, une loi les autorise à se produire en public. Des concours régionaux ou nationaux sont organisés, qui attirent une foule considérable. En août 1868, Hector Berlioz est le président d’honneur du Concours d’orphéons, de musiques d’harmonie et de fanfares de Grenoble. Ces manifestations sont l’occasion pour nombre de musiciens de quitter pour la première fois leur ville ou leur village.
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La Fraternelle, L’Étoile Jardinoise, le Réveil Beaurepairois, Les Trompettes Abrésiennes, la Muse Champêtre, la Clique des Joyeux Picabans, l’Avenir Montilien, les Tambours et Clairons de Vienne, les Enfants de la Joyeuse, l’Écho Briançonnais, la Cyprienne… Dans les années 1950-60, l’engouement pour les batteries-fanfares est encore de mise. La nature ayant horreur du vide, il s’explique d’abord par l’absence d’alternative en matière de loisirs. Rejoindre la musique locale est souvent l’une des rares distractions locales. À cette époque, tambours et clairons sont de toutes les manifestations locales. Les commémorations et les cérémonies officielles – 8-Mai, 14-Juillet, 11-Novembre -, les comices agricoles, les vogues, les corsos, les concours, sans oublier la Sainte-Cécile, patronne des musiciens, fêtée le 22 novembre…
Après l’âge d’or s’amorce un lent déclin à partir des années 70. Les causes sont multiples. L’offre grandissante de loisirs et d’activités, la concurrence de nouvelles musiques populaires, le développement des écoles de musique et conservatoires élargissant le choix des instruments, détournent les jeunes générations des sociétés musicales traditionnelles. Celles-ci pâtissent d’une image démodée – « ringarde », diront certains : leur discipline, leurs uniformes surannés et leur répertoire martial correspondent moins aux nouveaux goûts du jour. Vieillissants, les effectifs peinent à se renouveler. Au fil des décennies, de nombreuses batteries-fanfares passent de vie à trépas sans tambour ni trompette…
Celles qui ont survécu ont dû se réinventer pour casser cette image passéiste. Elles ont intégré de nouveaux instruments, redessiné leur uniforme et, surtout, dépoussiéré leur répertoire. Finies les seules marches militaires ou sonneries réglementaires ! Avec le temps, de plus en plus de compositeurs se sont intéressés à la batterie-fanfare, créant des œuvres spécifiques allant du classique à la fantaisie (twist, cha-cha, rock, etc…). Des œuvres connues ont également été adaptées. Désormais, ses formations peuvent tout jouer : variétés, musique de film, airs populaires… Tout est possible !
En 2018, le Département a adopté le plan départemental de soutien aux fanfares, batteries-fanfares et harmonies de l’Isère, afin de créer une nouvelle dynamique autour de la pratique en amateur et d’augmenter leur visibilité. La FSMD-CMF Isère (Fédération Des Sociétés Musicales Dauphinoises – Confédération Musicale de France de L’Isère) dénombre sept batteries-fanfares dans le département :
- La Fraternelle de Saint-Georges d’Espéranche compte 45 musiciens de « 16 à 85 ans » Très active, proposant un répertoire contemporain, elle donne une trentaine de concerts par an. Contact : fraternelle@wanadoo.fr
- L’Écho de la Sévenne est né de la fusion de l’Amicale de Luzinay avec sa voisine de St-Just-Chaleyssin, Le Réveil Chaleyssinois. Elle est composée d’une trentaine de membres, fidèles à leur belle devise : « Faire plaisir et se faire plaisir ! » Site internet : http://www.echodelasevenne.fr
- La Verlynoise est basée dans la commune des Avenières-Veyrins-Thuellin. Elle accompagne cérémonies, défilés, concert-concours, apéritif-concert, comices agricoles et participe à divers concours régionaux. Site internet : http://www.lesavenieres.fr/les-associations/animation/batterie-fanfare-veyrlinoise.html
- L’Echo de la Bièvre. Cette clique implantée à Aoste accompagne les festivités locales depuis 1955. Contact : huguet@wanadoo.fr
- L’Alerte Delphinale a son siège à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs. Site internet : https://batteriefanfarelalertedelphinale.webnode.fr/
- L’Echo du Merdaret. « Il y a de la musique à Theys, venez ! », invite cette petite société d’une dizaine de musiciens nichée dans les montagnes de Belledonne. Née en 1965, elle est devenue un acteur incontournable de la vie locale. Site internet : https://sites.google.com/site/lechodumerdaret/
- Le Réveil Fontainois. Ses premiers accords ont beau remonter à 1932, la formation de Fontaine, à côté de Grenoble, est toujours dans une forme éclatante. Elle propose une musique traditionnelle française dite « de cavalerie » (genre garde républicaine à cheval) mais aussi de « variétés en fanfare » (boléro, cha-cha, zouk, samba, swing, rock, charleston…). Adresse : Château des Balmes Parc Karl Marx
38600 Fontaine.
A noter que la plupart de ses sociétés ont une page Facebook.
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