Saint Agricole, fêté dans l’Ain le 5 septembre

Saint Agricole, ou Agricola, fut un martyr des premiers siècles. Il dut assister au supplice de son esclave Vital avant d’être lui-même crucifié. Les corps des deux martyrs furent retrouvés par saint Amboise dans un cimetière de Bologne et transférés à Florence. On ne connaît pas exactement la date de leur mort, mais une tradition affirme que cela se passa sous le règne de l’empereur Dioclétien, la veille des nones de novembre. C’est pourquoi Vital et Agricola sont fêtés par l’Eglise le 4 novembre.

Or, à Bourg, c’est le 5 septembre que l’on honorait saint Agricole. Ce jour-là, de nombreux pèlerins se pressaient dans la chapelle de la Charité et cette pratique leur valait 40 jours d’indulgence. Ce transfert de date réclame une explication.

L’Hospice de la Charité, en 1903, à Bourg-en-Bresse

Photo collection APF

La maison de la Charité de Bourg avait été fondée à la fin du XVIIe siècle par une pieuse veuve de Bourg, Anne Marie Crollet qui, par testament, avait légué ses biens à une œuvre en faveur des pauvres filles de la ville. Cette dame Crollet avait un frère chartreux, Dom Amboise. Comment et de qui obtint-il les reliques de saint Agricole ? On ne sait. Dès le haut Moyen-Age, villes et communautés cherchaient à se procurer des objets ayant appartenu aux saints personnages (ceinture de la vierge) ou mieux encore des morceaux de leur corps (doigt de st Jean, crâne de st Lazare). Ces reliques attiraient les pèlerins et enrichissaient ceux qui les détenaient, qui, parfois, n’hésitaient pas à se les procurer par des moyens peu licites. À la fin du IVe siècle, les reliques de saint Agricole avaient été transportées en grande pompe à Rouen dont l’évêque était ami de saint Amboise. Or, au début du XVIIIe siècle, le prieur de la Chartreuse de Rouen était un Bressan, Dom Jérôme Morel. Est-ce lui qui procura à son compatriote Dom Crollet les reliques de saint Agricole ?

Toujours est-il qu’en 1717, Dom Crollet écrivit aux recteurs de la Charité de Bourg qu’il avait envoyé aux chartreux de Lyon le corps du martyr et qu’il le destinait à l’œuvre fondée par sa sœur. Deux ecclésiastiques de Bourg allèrent le chercher et une bonne partie de la population alla les attendre à quelques lieux de la ville pour faire escorte au saint. On déposa d’abord les reliques à Notre-Dame où se déroula un solennel office, puis elles furent transférées dans la petite chapelle de la Charité. C’était le 5 septembre 1717.

Parmi les pèlerins qui affluèrent alors, nombreux furent ceux qui venaient demander au saint la grâce de donner souffle de vie aux enfants morts-nés afin de pouvoir les baptiser. Les registres paroissiaux de Notre-Dame rapportent cinq évènements de ce genre pour la seule année 1718. L’enfant était déposé sur l’autel du saint, ouvrait un œil ou remuait un doigt ; sur quoi, un des assistants se hâtait de l’ondoyer. Une petite fille fut ainsi présentée au saint par ses parents qui, “après avoir fait leurs prières devant les reliques, s’aperçurent que l’enfant avait donné des signes de vie ainsi que l’ont témoigné cinq personnes qui lui sentirent palpiter le cœur et lui virent remuer les doigts de la main gauche et quelques-uns de la droite, ensuite de quoi on lui donna l’eau pour le baptême”. L’événement est d’autant plus remarquable que l’enfant était née “déjà morte et sans apparence de vie” et qu’il avait fallu deux jours de voyage depuis Lantenay en Bugey pour la confier aux bons soins du martyr. Car on venait de loin pour implorer saint Agricole, du Bugey surtout (Hauteville, Corlier, Lantenay), mais aussi de Franche-Comté et du Lyonnais. La popularité du saint se marque aussi par la fréquence du prénom d’Agricole donné aux petits Bressans du XVIIIe siècle, à l’exemple de Marie Agricole Marron, baron de Belvey, guillotiné sous la Terreur à 72 ans.

Quand la vieille maison Crollet se révéla trop petite et mal adaptée et que l’on décida de construire un nouvel établissement au faubourg de Mâcon, il fallut aussi déménager les reliques. À cet effet, deux chanoines de Notre-Dame, Messire Humbert Curtil et Messire Basile Guillot, ce dernier directeur de la Charité, procédèrent à la reconnaissance de la châsse du saint et à son nettoyage. Ils reconnurent que les reliques et ossements étaient en bon ordre et que la châsse était “garnie de tous ses nécessaires”. On y trouvait en outre un parchemin relatant le dépôt des reliques arrivées au début de septembre 1717.

Le 5 septembre 1750, les reliques et ossements du corps entier du glorieux martyr saint Agricole furent transportés processionnellement de la Charité à Notre-Dame. Le lendemain, qui était un dimanche, à l’issue des vêpres paroissiales, ils furent solennellement déposés dans la chapelle du nouveau bâtiment, avec toutes les cérémonies requises.

Brossard, qui écrivait en 1883, prétend qu’ils y étaient toujours. Que sont-ils devenus depuis ? Le dernier aumônier de la Charité, consulté, ne se souvient pas les y avoir vus.

M.-C. V.

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