« Il y avait beaucoup plus de neige dans le temps ! », entend-on souvent dire. L’affirmation semble difficilement réfutable. Il suffit pour s’en convaincre d’interroger des témoins, de recueillir des chiffres et de fouiller dans les archives. La neige, on vivait avec, sans que cela pose de problèmes !
« Y aura-t-il de la neige à Noël ? », se demandent avec inquiétude les professionnels du tourisme depuis plusieurs années. Cette question, personne ne se la posait autrefois. Noël sous les flocons était une évidence. « Tout était blanc, rapporte une habitante de la Combe de Savoie. Les routes, les champs, les toits, les cours d’école. Les hivers sans neige étaient l’exception, quand ils deviennent la norme de nos jours. » Né en 1948, Fernand, de Neuvecelle, dans le Chablais, en atteste : « Enfants, nous allions à la messe de Minuit à pied et sur le chemin du retour, c’était chaque fois bagarre de boules de neige ! » Fin décembre, l’hiver avait du reste revêtu son blanc manteau depuis un moment : « Dans ma jeunesse, se souvient Michel, 50 ans, la saison avec le ski-club d’Annecy débutait à la Toussaint, sur le glacier du Pisaillas, à Val-d’Isère. Et je ne crois pas avoir vu annuler une sortie à cause du manque de neige ! » En altitude, les quantités tombées étaient sans commune mesure avec les hauteurs actuelles. « À Val-d’Isère, la moyenne, c’était 20 m de neige en cumulé dans les années 80, contre 7 m en 2008, et à peine plus de 3. cet hiver, explique un responsable de la DDE de Bourg-St-Maurice. Voir tomber 1 mètre d’un coup était chose normale. Si on a 40 cm maintenant, c’est déjà beaucoup ! » Les conditions d’ouverture des grands cols d’altitude fournissent une autre précieuse indication : « À peine deux semaines pour dégager le col de l’Iseran cette année, contre 3 à 4 dans les années 90 ! Et on part de plus haut ! » Un dameur des Arcs, en poste depuis plus de trente ans, confirme : « Il m’est arrivé de dégager la neige sous les sièges des télésièges pour qu’ils puissent fonctionner, tellement il y en avait ! »
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D’autres indices ? De nombreux petits téléskis étaient installés à faible altitude. Par exemple, celui du col du Marais (833 m), à Serraval, dans les Aravis. « C’est là que j’ai appris à skier », se remémore Christine, de Thônes. « Il y en avait un autre aux Villard-sur-Thônes. Ils fonctionnaient tous les hivers, sauf cas exceptionnel ». À Modane, dans les années 50, on skiait au « champ des pins », à l’emplacement actuel de l’entrée du tunnel du Fréjus. S’y disputait même un Grand Prix, sous la forme d’un slalom géant ! Toujours à cette époque, il n’était pas rare de voir des skieurs descendre de La Féclaz sur la route ou à travers champs, jusqu’à Chambéry. Arrivés place d’Italie, ils reprenaient le car remontant à La Féclaz ! Dans un autre domaine, un paysan de Montricher-Albanne expliquait en 1976 au Vieux Savoyard que ses pommes de terre avaient passé l’hiver sous deux mètres de neige : « L’an passé, la neige tombée dès le 24 septembre n’est pas repartie, et toute la récolte est restée dehors ».
Adaptation
Les gens ne semblaient nullement gênés par les contraintes d’un long hiver. « De toute façon, on n’avait pas le choix ! », dit un Ancien. En 1955 encore, La Gurraz, village de Tarentaise perché à 1600 m d’altitude, était quasiment coupé du monde. « On cuisait le pain au four banal pour une consommation de six mois, racontait un Gurrain dans l’Almanach. Et la vie commune avec le bétail pendant tout l’hiver… ». Les petits Savoyards allaient à l’école à pied, en faisant la trace sur les chemins enneigés, « avec les chocons (les mottes de neige), qui accrochaient à la semelle des galoches ! », rappelle un sexagénaire de Séez. « Le paradoxe actuel, s’amuse une Chamoniarde, c’est qu’il y a bien moins de neige et les gens paraissent bien plus embêtés. Regardez la circulation. Il tombe trois flocons et tout est bloqué ! » Les moyens pour dégager les routes étaient pourtant plus rudimentaires. « Le déneigement dans les années 60 se faisait avec un traîneau tiré par deux chevaux pour les routes communales et des chasse-neige, tirant un traîneau ou poussant une simple étrave, pour les autres routes », relate Fernand, ancien de la DDE d’Évian. La chaussée n’était pas raclée jusqu’au bitume : « Les routes restaient blanches une partie de l’hiver, y compris en ville. Avec le gel, les glissades en voiture étaient fréquentes… Les pare-chocs méritaient bien leur nom ! » Les routes, certes moins fréquentées, se transformaient alors en pistes de ski, de luge ou de bobsleigh pour des descentes endiablées…
À l’aune de ces quelques exemples, choisis parmi bien d’autres, un constat s’impose : ces dernières décennies, les Alpes ont troqué leur épais manteau blanc pour une fine veste !
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