Saluons notre (très) lointain aïeul : dans l’évolution du règne animal, les batraciens sont les ancêtres de tous les vertébrés terrestres. Ils furent les premiers à sortir de l’eau pour vivre à l’air libre. Ils demeurent cependant des animaux aquatiques au stade larvaire et ne peuvent se passer d’eau. De là le terme d’amphibien, synonyme de batracien, pour les désigner : amphibie signifie littéralement « double vie » : les grenouilles partagent leur temps entre le milieu aquatique et le milieu terrestre.
En France, les espèces les plus répandues sont la grenouille verte (rana esculenta) (1), reconnaissable à la ligne jaunâtre suivant la colonne vertébrale, et la grenouille rousse (rana temporaria), identifiable à la large tache sombre courant l’arrière de l’œil et le tympan. Celle-ci abonde dans les Alpes, ayant la particularité de vivre jusqu’à 2500 mètres d’altitude.
(1) Les grenouilles vertes sont une espèce générique regroupant plusieurs sous-espèces, parfois difficilement identifiables car s’hybridant entre-elles.
Le métabolisme de la grenouille
Cet animal à sang-froid mesure entre cinq et dix centimètres environ. Sa longévité peut atteindre deux décennies. Les femelles sont plus grandes que les mâles. Le corps est massif, trapu, dépourvu de cou. La tête aplatie, au museau arrondi ou élancé selon les espèces, porte des yeux proéminents et globuleux protégés par trois paupières. L’une d’elles, transparente, recouvre l’œil lorsque la grenouille est sous l’eau. L’oreille se réduit à un simple tympan, à fleur de peau. La mâchoire supérieure est semée de petites dents ; la langue, longue et bifide (fendue à son extrémité) est une arme redoutable. Recouverte de mucus visqueux, elle se déroule subitement tel un cotillon pour attraper et piéger mouches, moucherons, araignées, vers, larves, voire escargots… La quête de nourriture se fait généralement au crépuscule ou à la nuit tombée.
Comment la grenouille respire ?
Molle, visqueuse et humide, la peau est nue : ni écailles, ni poils, ni plumes ne la recouvrent. Elle est un organe respiratoire important : de multiples vaisseaux absorbent l’oxygène contenu dans l’air et dans l’eau. Avec les poumons, la grenouille possède donc deux systèmes respiratoires, adaptés à sa double vie !
Comment la grenouille saute-t-elle ?
Ses membres postérieurs, bien plus longs que les membres antérieurs, sont formés de trois segments d’égale longueur. Repliés en forme de Z, ils se détendent brusquement, tel un ressort : les bonds peuvent atteindre deux mètres chez certaines espèces. Sous l’eau, le mouvement des pattes arrière, terminées par cinq doigts palmés, évoque la brasse. La rainette verte (hyla arborea), autre espèce commune sous nos latitudes, possède sous ses doigts des sortes de ventouses lui permettant de grimper sur toutes les surfaces, même les plus lisses.
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Si la grenouille verte ne quitte jamais la proximité de l’eau, d’autres espèces trouvent refuge à plus ou moins bonne distance, dans les sous-bois, les buissons, les prés et les jardins. Elles rejoignent mares, marais, marécages, lacs ou étangs… pour la reproduction, au printemps, et s’en retournent celle-ci achevée.
À la saison des amours, l’air résonne alors d’un concert, extrêmement sonore, de coassements. Les mâles émettent leur cri nuptial en gonflant leurs sacs vocaux, sortes d’appendices externes situés soit de part et d’autre de la bouche, soit sous la gorge. Ces caisses de résonance peuvent atteindre des proportions impressionnantes par rapport à la taille de la grenouille – mais pas au point de la faire aussi grosse qu’un bœuf, n’en déplaise à La Fontaine !
La maturité sexuelle est atteinte à l’âge de quatre ans. La reproduction est dite externe : dénué d’organe reproducteur, le mâle se place sur le dos de la femelle et féconde les œufs à mesure qu’ils sont expulsés du cloaque, par paquets de plusieurs milliers. Les œufs ainsi ensemencés tombent dans l’eau, où ils forment des grappes entourées d’une enveloppe gélatineuse. Les œufs éclosent quelques jours plus tard et donnent naissance à des larves : les têtards. Ils respirent grâce à des branchies et se déplacent en faisant mouvoir leur queue. Au cours des semaines suivantes, ils vont subir d’importantes transformations, appelées métamorphoses, qui vont leur permettre de passer d’une vie exclusivement aquatique à une vie amphibie. Leur queue disparaît, des pattes se forment, les branchies sont remplacées par des poumons… jusqu’à former une petite grenouille. Les élus, cependant, sont peu nombreux : la majorité des têtards serviront à nourrir la faune des milieux aquatiques.
Les grenouilles, elles aussi, ont des prédateurs : couleuvres, hérons, cigognes, loutres, belettes… Mais le plus grand prédateur a longtemps été l’homme, les fameuses cuisses de grenouille étant un mets apprécié des gastronomes. La pêche à la grenouille était jadis fort répandue – le cinéaste Jean Becker rend hommage à cette pratique dans son film Les enfants du marais, avec Michel Serrault. L’activité est aujourd’hui strictement réglementée. Seules les grenouilles vertes et rousses peuvent être prélevées. De fait, les grenouilles sont des espèces protégées sur le territoire français. Cette protection va de pair avec la préservation des zones humides (mares, marais, marécages…), qui ont considérablement diminué au cours du siècle écoulé.
La passion hexagonale pour les cuisses de grenouille a de tout temps dérouté nos voisins britanniques. Cette tradition culinaire nous vaut d’être surnommés les Froggies, déformation de frogs-eaters, littéralement « les mangeurs de grenouille. » Les habitudes culinaires nourrissant les surnoms perfidement affectueux, les Français ne sont pas en reste : les Anglais ne sont-ils pas aimablement qualifiés de Rosbifs de ce côté-ci de la Manche !
Grenouilles et crapauds appartiennent à la classe des batraciens. Cependant, contrairement à une idée reçue, les seconds ne sont pas les mâles des premières ! Plusieurs signes permettent de les distinguer. Les crapauds sont des amphibiens plus terrestres qu’aquatiques. Leurs pattes sont plus courtes et moins musclées. Surtout, leur peau est sèche, épaisse et constellés de verrues, quand celle des grenouilles est lisse et humide.
La croyance populaire prête aux grenouilles, spécialement à la reinette verte, la faculté de prévoir le temps à venir. En 1860, Auguste Duméril, éminent zoologiste au Museum d’histoire naturelle de Paris, semblait lui donner crédit : « Les grenouilles des arbres, ou rainettes, annoncent la pluie par leurs coassements, on peut se faire un hygromètre ou un baromètre vivant en mettant un de ces animaux dans un vase où l’on a soin de lui donner de l’eau et des insectes pour sa nourriture. Muni dans leur prison de verre d’une petite échelle, leur ascension indique que le temps sera sec » ! En réalité, la reinette n’a rien d’une miss Météo. Simplement, les insectes volant plus haut par beau temps, elle va grimper en effet en haut des plantes pour les attraper, et de fait annoncer un temps sec.
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