Ah Noël ! La famille réunie autour du sapin décoré au pied duquel s’entassent des monceaux de cadeaux ; l’excitation des enfants quand le tonton déguisé en Père Noël toque à la fenêtre ; le foie gras, le saumon, les huîtres, la bûche arrosés de moult boissons alcoolisées ; les rires, la joie, la bonne humeur !
Ah Noël et sa période de l’Avent version XXIe siècle ! Les rues enguirlandées, les marchés éphémères dans les centres-villes ; la frénésie consumériste entretenue par la publicité ; les listes rédigées avec application par des mains enfantines ; la lettre au Père Noël postée avec solennité dans la boîte aux lettres ; et les cadeaux à peine ouverts en vente quelques jours plus tard sur des sites de petites annonces…
Magie que tout cela !
C’est un euphémisme d’affirmer que cette fête a bien changé. Elle ne ressemble en rien à celle vécue par les anciennes générations. Racontez aux plus jeunes que « dans le temps » les enfants se contentaient pour seul cadeau d’une orange et devaient pour la plupart assister à la messe de Minuit : ils ouvriront de grands yeux en s’exclamant : « Oh les pauvres ! »
Noël avant
Il y a un siècle encore, le calendrier liturgique rythmait la vie des populations montagnarde à la foi chevillée au corps. Noël, c’était d’abord une célébration religieuse, celle de la Nativité. Ce sens sacré s’est depuis largement perdu pour laisser place à une fête profane.
En patois savoyard, Noël s’appelait « chalende », un mot dérivé du latin calendas – calendrier. Il se retrouve dans des chants traditionnels, tels celui-ci : : « Chalende est venu / Avec son bonnet pointu / Sa barbe de paille / pour casser les unailles (noisettes) / On a du pain blanc / Jusqu’à nouvel An. »
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Le 24 au soir, les familles se retrouvaient pour partager une collation, puis tout le monde se rendait à la messe de Minuit. Depuis les hameaux, marcher jusqu’à l’église paroissiale du chef-lieu en pleine nuit n’était pas une sinécure. Les galoches crissaient dans la neige, le froid mordait la peau. On s’éclairait à l’aide de lanternes ou de flambeaux. « La marche était dure, pénible, mais elle était symbolique, à l’image de celle de Joseph et de Marie, écrivait l’historienne régionaliste Marie-Thérèse Hermann. La foi conduisait riches et pauvres, vieillards et enfants, jusqu’à l’église illuminée où l’on célébrait la naissance du Christ, la fête de l’amour et de la paix. »
Le repas de Noël – pardon, de chalende ! – avait traditionnellement lieu le lendemain 25 décembre à midi. Un repas de fête, qui tranchait avec l’ordinaire frugal. Oh, certes, il n’avait rien à voir avec les agapes actuelles. Ni saumon, ni foie gras ! Sur la table était servi de la viande de porc et du pain blanc, dit aussi pain de chalende ou épogne. Il remplaçait le pain quotidien au froment ou autres céréales moins nobles que le blé. On se régalait aussi de rissoles, des chaussons de pâte feuilletée fourrés aux pommes, aux prunes, aux poires… préparés spécialement pour l’occasion. Dans les familles bourgeoises, les domestiques avaient souvent un jour de congé – fait exceptionnel.
Les enfants se contentaient de modestes cadeaux. Ils les trouvaient le matin au réveil, non au pied du sapin, la tradition n’était pas très répandue – mais dans leurs souliers déposés dans la cheminée : une orange, quelques papillotes ou friandises des crayons, des poupées de chiffons, du chocolat… Et cela suffisait à leur bonheur !
Il est où le papa Noël ?
Et le Père Noël dans tout ça ? Eh bien, on ne l’attendait pas pour la simple et bonne raison que personne n’avait entendu parler de lui ! Éloignez les enfants de l’écran parce qu’une vérité douloureuse va être dévoilée : le Père Noël n’existe pas. Cette « invention » américaine a été popularisée en Europe seulement après la Seconde guerre, témoin et symbole de l’influence culturelle du Nouveau Monde sur l’Ancien.
Quelle est son histoire ? Au XVIIe siècle, les colons hollandais partis fonder New Amsterdam (New York) emmènent dans leurs bagages le culte de saint Nicolas, fêté le 6 décembre. Peu à peu, Sinterclaes (Saint Nicolas en néerlandais) s’anglicise pour devenir Santas Claus. Puis, au cours du XIXe siècle, les Américains assimilent peu à peu Santa Claus à la fête de Noël, au point de se confondre avec elle et d’éclipser Sinterclaes. Au départ, il ne porte pas de costume officiel. En 1860, Thomas Nast, caricaturiste au journal new-yorkais Harper’s Weekly, a l’idée de le représenter sous la forme d’un personnage bedonnant et souriant, affublé d’une barbe blanche et d’un costume rouge à parements blancs, ceint d’une lourde ceinture. Au début des années 30, une célèbre marque de soda américaine (la plus célèbre, en fait !) lance une campagne de publicité reprenant ce Santa Claus : le rouge et le blanc du costume renvoient aux couleurs historiques de la marque… Coup de génie : l’universelle renommée de la marque contribuera à diffuser dans le monde entier la figure du Père Noël, telle que nous le connaissons aujourd’hui.
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