Seyssel, commune de Haute Savoie

Dominée par la Montagne des Princes, la commune savoyarde Seyssel fait en effet face à sa jumelle en rive droite, Seyssel Ain, posée au pied du massif du Grand-Colombier. En ce chaud matin de juin, le fleuve coule, placide, sous le vieux pont suspendu reliant les deux rives. Son cours est régulé par le barrage que l’on aperçoit en amont. Quelques embarcations sont amarrées dans le petit port Gallatin, à proximité du pont.

Les deux Seyssel partagent un passé commun, façonné par le Rhône. Si des traces archéologiques révèlent une occupation du site dès le néolithique, notre histoire commence véritablement vers -120 avant notre ère. Après la conquête de l’Allobrogie, les Romains fondent le port de Condate, à 1,5 km au sud d’ici, près du confluent du Fier et du Rhône. Ce port est le plus en amont du fleuve. Au-delà, la navigation est impossible, à cause des pertes du Rhône, cet étroit défilé au niveau de Bellegarde-sur-Valserine.

Cité dans les principaux itinéraires romains comme la Table de Peutinger, Condate devient un important centre d’échanges et de commerce entre Lyon et les Alpes du nord. Une voie romaine est aménagée à travers le val de Fier pour relier l’Albanais. La cité antique disparaît aux alentours du IVe s., dans des conditions mal connues. L’habitat se reporte sur un promontoire rocheux dominant le fleuve, toujours en rive gauche. Ainsi naît Seyssel. Le nom dérive soit de saxellum, signifiant « rocher », soit d’un administrateur gallo-romain, Sextilius. Une première église, dédiée à saint Blaise, est bâtie sur l’emplacement d’un temple à Jupiter.

Le village s’étend aussi en rive droite, autour d’un château édifié sur les ruines d’une tour romaine, élevée contre les incursions des Helvètes. Au Moyen Âge, l’histoire de Seyssel se confond avec celle de la Savoie. Les barons de Seyssel seront de fidèles serviteurs de la dynastie. La ville, de part et d’autre du fleuve, s’entoure de remparts. En 1286, le comte Amédée V lui accorde une charte de franchises.

Puis Seyssel n’a cessé de faire la bascule entre la France et la Savoie

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De 1536 à 1559, les deux rives du Rhône deviennent une première fois françaises, après l’occupation de la Savoie par François 1er. En 1601, bis repetita. Henri IV envahit la Savoie. Par le traité de Lyon, il prend possession de la rive droite du fleuve, dès lors définitivement française. En outre, des têtes de pont, dont Seyssel, lui sont accordées sur la rive savoyarde. Mais, en 1760, coup de tonnerre : le traité de Turin fixe la frontière entre les deux États sur le Rhône, supprimant de fait les enclaves en terre savoyarde. Pour la première fois de son histoire, le bourg est partagé en deux ! Des douaniers s’installent de part et d’autre du pont, à Seyssel France et Seyssel Savoie.

Malgré tout, des liens persistent : à cette date, il y a par exemple toujours une seule église, sise côté Savoie. Survient la Révolution. En 1794, Seyssel est réunifiée et rattachée au département de l’Ain. Le jeu de yo-yo n’est pas terminé : en 1815, la Savoie est rendue au roi de Piémont-Sardaigne, les douaniers sont de retour. Puis, en 1860, l’Annexion marque la naissance de Seyssel Haute-Savoie et Seyssel Ain. Jusqu’à cette date, hormis sur de brèves périodes, les deux rives auront donc été unies pendant presque deux millénaires !

Le pilier central du pont suspendu sur le Rhône est surmonté d’une statue de la Vierge, qui semble veiller sur les eaux de ce fleuve long de 812 km, qui prend sa source dans le Valais.

Inauguré en 1840, ce pont est le dernier en date d’une longue série d’ouvrages, victimes des crues ou des destructions au fil des siècles. Entre deux reconstructions, un bac à traille assurait la traversée. Le premier pont connu date de 1265, érigé grâce à un don de Béatrice de Savoie. Au XVIe siècle est bâtie une pile centrale, au milieu du fleuve. Au-dessus fut construite une chapelle, abritant une Vierge noire. Baptisée N.-D.-du-Pont, elle était vénérée des bateliers qui l’invoquaient contre les dangers du fleuve. Durant la Révolution, la statue fut cachée par la population ; en 1823, on la plaça dans l’église de Seyssel France, tout juste consacrée – elle s’y trouve encore. La chapelle, en mauvais état, est rasée lors des travaux de construction du pont où nous nous trouvons. En 1855, les Seysselans font ériger une nouvelle statue au sommet du pilier central, financée par une souscription. Sa tête est légèrement inclinée vers l’Ain, parce que, dit la légende, la population de ce côté-ci a été plus généreuse que celle d’en face !

La navigation sur le Rhône a fait la prospérité de Condate, puis de Seyssel, carrefour routier et fluvial. À la descente, ou decize, les naufetiers (mariniers) transportaient tous types de produits destinés à Lyon ou Marseille : bois, bestiaux, fruits, fromages… Sans oublier la pierre de Seyssel, une pierre blanche extraite des carrières proches de Franclens (en Haute-Savoie), que l’on retrouve dans de multiples édifices lyonnais. À la remonte, tirées depuis les chemins de halage, les embarcations livraient étoffes, sucre, vin du Midi, café, charbon, sel de Camargue… De là, les marchandises étaient acheminées par voie terrestre, vers les foires de Genève notamment. Par Seyssel transitaient aussi des voyageurs. En 1622, saint François de Sales y embarque pour Lyon, où il meurt ; sa dépouille est ramenée à Seyssel par bateau en grande pompe pour être inhumée au monastère de la Visitation d’Annecy. Au XVIIIe s., un service de « coche d’eau » assurait une liaison vers Aix-les-Bains, Lyon et Arles. Le port était également un centre de construction navale. Parmi les différents types d’embarcations fabriquées par la corporation des fustiers (constructeurs de bateaux), figure la Seysselande ou Cysselande, un bateau de 25 m de long pour 4,4 de large.

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