Le gratin Dauphinois

Difficile de déterminer avec précision quand et comment est apparu le plat emblématique du Dauphiné.

Quel anonyme a eu un jour l’idée de concocter une recette de pommes de terre coupées en fines tranches mélangées à de la crème ? C’est un des grands mystères de l’humanité. Une chose est sûre, ce n’est pas avant le XVIe siècle : originaire d’Amérique du Sud, le tubercule a été introduit en Europe par les galions des conquistadors de retour du Nouveau Monde. D’Espagne, il s’est répandu dans toute l’Europe jusqu’à atteindre les montagnes du Dauphiné.

Certains pensent que la recette serait née sur le plateau du Vercors, quand, le long et froid hiver venu, les pommes de terre, aisément conservables, étaient pratiquement la seule nourriture dont disposaient les paysans, avec le lait de vache.

D’autres soulignent qu’il existe plusieurs recettes du gratin, correspondant à diverses aires géographiques du Dauphiné : gratin du Vercorsgratin du Grésivaudangratin des Terres Froides et gratin de Beaumont, et donc qu’on ne peut avec exactitude en attribuer la paternité à telle ou telle région.

On connaît en revanche la première mention écrite du terme « gratin dauphinois ». C’était le 12 juillet 1788 à l’occasion d’un banquet offert par le duc de Clermont-Tonnerre, lieutenant-général du Dauphiné, aux officiers municipaux de Gap. Un avant la grande, une petite révolution éclatait dans les assiettes du Royaume !

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Des vers gratinés

Au cours du XIXe siècle, le gratin déborde progressivement des limites de sa province natale. Il apparaît sur la carte des restaurants et sur la table des auberges. À cette époque, certains se font poète pour en chanter les vertus, tel un certain Maurice Champavier, en 1892 :

« Un gratin cuit à point est le régal suprême ;
En pays Dauphinois c’est un plat vénéré
L’aliment familial si souvent savouré
Mets d’été, mets d’hiver et même de Carême !
La recette est facile et simple en est le thème :
Dans un plat peu profond, coupez, à votre gré,
Quelques pommes de terre, et puis, sans rien d’autre,
Ajoutez œufs, sel, ail, beurre et lait riche en crème. »

Ces vers font écho à une autre ode lyrico-gastronomique sortie de l’esprit du Drômois Ernest Chalamel, en 1857 :

« Un jour, je vis sur la place Grenette
Charmant objet qui revenait du four ;
Un noir gratin qu’avait pétri l’amour,
Fumait encore sur sa main grassouillette
Un blanc torchon qu’elle drape avec grâce
Dissimulant des appâts vigoureux,
L’oignon et l’ail parfumaient ses cheveux
Mon nez, mon cœur volèrent sur ses traces…
O Gratin, toi que mon cœur adore,
Quand tu pétris ce gratin séducteur,
Que ne viens-tu le poser sur mon cœur ?
Il eût roussi au feu qui me dévore. »

Comme un chef

Le gratin dauphinois a depuis conquis l’hexagone jusqu’à devenir une pièce du patrimoine culinaire français. D’après un sondage BVA de 2015, il se classe en 10e position des plats préférés des Français. Mais, toujours selon cette enquête, les habitants du sud-est le place sur la plus haute marche du podium, devant le bœuf bourguignon et le magret de canard.

Ce plat familial par excellence, servi seul ou avec un accompagnement, a par ailleurs eu les honneurs de tout le gratin des grandes toques. De Paul Bocuse à Alain Ducasse, d’Anne-Sophie Pic à Guy Savoy, il n’est pas un grand chef étoilé qui ne soit un jour mis aux fourneaux pour livrer « sa » version personnelle.

Car qu’on se le dise : du fait de son origine méconnue, il n’existe pas une recette « officielle » du gratin dauphinois !

Il a ses puristes et ses iconoclastes, ses Anciens et ses Modernes. Lait ou crème ? Lait et crème ? Muscade, pas muscade ? Ail, pas ail ? Œuf, pas œuf ? À partir des ingrédients de base, chacun est libre de composer à sa guise… Sachant que la préparation dépendra aussi de la variété de pommes de terre choisie. Il est toutefois généralement admis qu’on ne rajoute pas de fromage – un crime de lèse-majesté pour les défenseurs de la tradition ! Un gratin de pommes de terre avec du fromage s’apparente davantage au gratin savoyard.

Apprenez encore que le plus grand gratin dauphinois au monde a été concocté à l’Alpe d’Huez en janvier 2010 : 3 tonnes de pommes de terre, 300 litres de crème et 5 kilos d’ail ! Un record dûment enregistré au Guinness Book.

Pour terminer, voici une recette « traditionnelle du gratin Dauphinois » parue dans l’Almanach Dauphinois :

  1. Éplucher les pommes de terre. Leur qualité importe beaucoup : choisir les variétés à chair jaune. Les émincer en rondelles. Les sécher dans un linge.
  2. Prendre un plat en terre vernissée. Le frotter à l’ail et le beurrer. Disposer une couche de pommes de terre avec sel, poivre, muscade. Recouvrir de gruyère râpé (Emmental ou Beaufort).
  3. Continuer ainsi en remplissant le plat jusqu’à 1 cm du bord ; terminer par le fromage.
  4. Verser délicatement sur le tout un bouillon de pot-au-feu dégraissé jusqu’à ce que les pommes de terre soient complètement recouvertes.
  5. Mettre à four moyen durant 1 h 1/2 – 2 h.

Et voici la recette « traditionnelle Savoyarde » parue dans l’Almanach Savoyard :

  1. Sa préparation est plus simple : en fait, ce sont des pommes de terre cuites dans de la crème.
  2. Émincer très finement de bonnes pommes de terre. Les sécher.
  3. Frotter à l’ail un plat à feu et le beurrer. Y disposer les pommes de terre. Assaisonner : poivre, sel, muscade. Recouvrir de crème fraîche.
  4. Faire cuire à feu doux pendant 2 h. Remuer délicatement de temps en temps.
  5. Verser encore 10 cl de crème sur le plat. Finir la cuisson à four doux durant une demi-heure.
 

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